La traque des nazis : un combat du passé ?

Le 15 juillet 2012 était retrouvé, vivant paisiblement dans son pays d’origine, le Hongrois Laszlo Csatary, 97 ans, présenté comme le criminel nazi le plus recherché du monde. Cette arrestation, l’âge avancé de cet homme et l’ancienneté de ses crimes représentent à n’en pas douter un symbole, et très probablement le point final de la traque. Dès la chute du 3° Reich et le suicide de son Führer, les découvertes faites par les Alliés des atrocités perpétrées par le régime nazi dans l’Europe entière ont convaincu les puissances victorieuses de la nécessité de juger les criminels de guerre, et donc d’abord de les retrouver. Tâche difficile s’il en était, puisque ceux qui n’avaient pas mis fin à leurs jours se fondaient dans la masse énorme des prisonniers de guerre, ou tentaient de quitter l’Europe en empruntant la « route des rats » et ses différentes filières.

1ere octobre 1946 : condamnation des principaux dignitaires du régime nazi

Très tôt, certaines structures ont été mises en place par les puissances alliées, et notamment le CROWCASS (Registre central des criminels de guerre et des suspects pour la sécurité), chargées d’établir un fichier des criminels de guerre. Mais le manque de moyens et le peu d’organisation n’ont pas permis à ces structures d’atteindre leur but, et l’opération fût un fiasco. C’est notamment afin de mettre un terme à la vague d’exécutions sommaires et de lynchages des criminels nazis arrêtés et identifiés (notamment grâce au groupe sanguin tatoué sous le bras des SS), que fut organisé, sous l’impulsion du président Roosevelt, le procès de Nuremberg jugeant les plus hauts dignitaires du régime. Cette instance, qui dura presque un an et aboutit à la condamnation officielle du régime fut aussi l’occasion de définir la notion de crime contre l’humanité, dont la particularité juridique est l’imprescriptibilité, en vertu de laquelle les criminels nazis pourraient être jugés quel que soit le temps écoulé depuis les atrocités commises. On pouvait donc penser que de nouveaux Nuremberg se dérouleraient, mais la volonté quasi générale d’oublier les atrocités à peine découvertes fut la plus forte, et rapidement, un grand nombre de criminels nazis on pu réintégrer la vie civile, parfois même en Allemagne.

29 mai 1962 : Eichmann jugé après seize années de cavale

C’était sans compter la volonté et l’énergie de rares personnalités, dont l’activité inlassable et l’obstination ont permis de pister puis de faire juger d’importants criminels échappés à la justice d’après-guerre. On pense évidemment à Simon Wiesenthal, ressortissant autrichien rescapé des camps de concentration, qui consacrera le reste de sa longue vie à lutter contre l’oubli en pourchassant les criminels nazis et en accumulant une quantité monumentale de documents, remontant toutes les pistes connues. Parmi ses « prises» les plus célèbres, et avec l’aide du Mossad, l’enlèvement en Argentine du tristement célèbre Adolf Eichmann, l’un des principaux artisans de la solution finale. Jugé à Jérusalem et condamné à mort en 1962, son procès convaincra les nazis en fuite que leurs crimes n’étaient pas effacés par le temps. Dans un autre style, et parfois dans une sorte de compétition médiatique, le couple formé par Serge et Beate Klarsfeld s’illustrera lui aussi dans la « chasse » aux nazis, allant sur le terrain les débusquer où ils se trouvaient. À cette activité, fondée sur un travail historique minutieux, on doit la lutte idéologique contre le chancelier allemand Kiesinger, le procès de Cologne en 1079 et la condamnation des criminels Lischka, Hagen et Heinrichsohn (gardien SS de Drancy), la découverte d’Alois Brunner en Syrie et de Walter Rauff au Chili, et l’arrestation de Klaus Barbie, le boucher de Lyon, condamné à la réclusion à perpétuité en 1087. Dans leurs différences, ces acteurs du devoir de mémoire ont eu au moins un point commun, à savoir les difficultés rencontrées et les résistances opposées par différents état ou organismes. Dans bien des cas, les informations récoltées et communiquées aux autorités judiciaires sont restées lettres mortes, les criminels débusqués étant devenus des notables de l’armée ou de la politique (on pense à Ernst Heinrichsohn, maire de Burgstadt en Bavière). Et bien souvent il fut nécessaire de faire appel au scandale ou à la médiatisation pour sensibiliser l’opinion et amener les autorités judiciaires à agir, juger et punir.

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